Bonjour !

Je suis écrivain et scénariste de BD.
Mon premier livre est sorti en 2009. Depuis, j'en ai sorti 22 autres... Je travaille aussi pour le ciné, la télé, le jeu vidéo, les applications et même le jeu de plateau.
Car pour toutes ces créations, il y a besoin d'écrire. Donc j'écris. Depuis le temps que j'en rêvais !

Et pourtant bien souvent je l'entends, cette question étrange : "Et sinon, vous avez un vrai métier ?".
Elle me fait un drôle d'effet et je n'ai pas encore trouvé comment y répondre... Alors ce blog va servir à ça : à essayer d'expliquer que oui, écrivain et scénariste, c'est un métier, un vrai.

dimanche 22 juin 2014

Spéciale dédicace.

Beaucoup, dans le monde de la BD actuellement en ébullition pensent, que les auteurs devraient être rémunérés pour dédicacer.

Car en effet, la plupart du temps, les auteurs dédicacent bénévolement. Si quelques festivals et salons payent les auteurs invités, le plus souvent ils ne font que leur rembourser leurs frais de déplacements et leur offrir les repas (et l'apéro...). Les auteurs en dédicaces ne touchent donc bien souvent que leurs droits d'auteurs sur les albums vendus et signés.

Il faut signaler aussi que certains éditeurs versent des droits plus élevés sur les albums vendus sur les stands des festivals en présence de l'auteur. Mais cette pratique assez marginale, ne touche que les salons où l'éditeur vend en direct. Et elle ne produit qu'une très faible rémunération supplémentaire.

La dédicace en BD

La dédicace BD a une particularité : elle prend du temps. Parfois beaucoup de temps. Là où un écrivain ou un scénariste va poser sur le papier une simple signature assorti d'un petit mot (parfois un simple "Pour Robert, bonne lecture") le dessinateur va faire un splendide dessin et parfois même le mettre en couleurs. Alors évidemment, faire 20 dédicaces à l'heure, c'est déjà pas mal !
Et c'est un vrai travail !
Marie Deschamps en dédicace au festival d'Angoulême.
Alors ce travail, comment le rémunérer ?

Faire payer la dédicace

On pourrait donc faire payer la dédicace au lecteur.
Bon. Il a déjà payé son ticket d'entrée (quand le festival est payant) et son album. Est-il prêt, le lecteur à payer encore pour un petit dessin ?
Sa dédicace, il la veut. Pour le souvenir, pour la collection ou pour revendre l'album le lendemain sur e-bay... Il sera donc prêt à payer. Mais quel prix ?

Un auteur très coté pourra fixer sans problème son tarif de dédicace à 50 €...
Un auteur inconnu risque de ne plus dédicacer en mettant sa dédicace à 2 €...

Et qui doit fixer le prix ? L'auteur ? L'éditeur ? Le festival ?
Qui doit récupérer le paiement ? L'auteur ? Il deviendra alors dédicaceur-vendeur, devra avoir une caisse sur sa table, devra rendre la monnaie, devra gérer une comptabilité... Est-ce vraiment son métier ?

Et le lecteur, puisqu'il paye sa dédicace ne va-t-il pas devenir exigeant ? Ne va-t-il pas se croire en droit de demander un magnifique dessin entièrement aquarellé et tout et tout ?

Avec les dédicaces payantes, les "petits" auteurs risquent de ne plus dédicacer du tout... Les festivals auront donc tendance à ne plus les inviter (c'est déjà pas facile pour eux aujourd'hui, de participer aux grands salons !). Ils perdront ces occasions uniques de rencontrer et de développer leur public...

Reste une possibilité qui semble moins pénalisante pour le lecteur comme pour l'auteur : laisser le prix de la dédicace libre. On dédicace et le lecteur donne ce qu'il veut... On pourrait (devrait) alors lui expliquer ce qu'est la condition des auteurs de BD et tout et tout.
On ferait la quête, en quelque sorte... Et on aurait vite fait de transformer les festivals en lieu de doléances, de plaintes et de tristesse crasse.

Rémunérer les auteurs

On pourrait payer les auteurs pour qu'ils viennent dédicacer.
Certains le font et un tarif a été posé dans la charte des auteurs et illustrateurs : 205 € la journée.

Pourquoi pas ?
Mais qui payera ? Le festival ? Les éditeurs ? Les libraires (quand il y en a) ?
Comment financer ce coût supplémentaire ?
En augmentant le prix de vente des livres ? En augmentant le prix d'entrée des festivals ? En supprimant l'apéro ?
Je crois qu'on ne peut pas jouer sur ces points sans mettre les festivals BD en grand danger...

Et puis, une fois de plus : quel festival, éditeur, libraire payera un auteur qui dédicace 6 albums dans le week-end ?
On le payera si on s'y est engagé. Mais on ne le réinvitera plus ! 

Un casse tête chinois

A première vue, la dédicace payante semble être une bonne idée.
Mais pour un petit auteur, c'est sans doute la fin des rencontres avec son public...

Le tiers des livres que vendent mes éditeurs est écoulé en festival. Normal. Je suis invisible (voir mon précédent article) et rarement présent dans les librairies.
Si demain les festivals ne m'invitent plus car je ne rembourse pas mes 205 € ou que je fais fuir les clients avec mes dédicaces payantes, je vais perdre un tiers de mes revenus...

Alors, si on veut voir des festivals où il n'y a que des auteurs stars (pourquoi pas après tout ?) mettons en place la dédicace payante ou la rémunération des auteurs.
Si on veut des festivals qui présentent la diversité, qui nous permettent de découvrir des auteurs inconnus (et souvent très talentueux), ne changeons rien !

Merdalor ! Il y a sans doute une solution à ce casse tête chinois...
Vous avez des idées ???